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La procédure d’agrément des sociétés de téléconsultation et la prise en charge des actes de téléconsultation, une entrée en vigueur retardée

January 3, 2024

Alors que l’article 53 de la loi de financement pour la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 est venu combler le vide juridique concernant le statut des sociétés de télémédecine et l’accès au remboursement des actes de téléconsultation réalisés par les professionnels de santé salariés exerçant au sein de ces structures, cette consécration semble à ce jour laissée pour compte par les pouvoirs publics manque de décret d’application (et de dispositions particulières), laissant les opérateurs du secteur toujours dans l’incertitude.

Pour rappel, la télémédecine s’entend de toute « forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication » conformément aux dispositions de l’article L.6316-1 du Code de la santé publique (CSP). Elle comprend les actes de télémédecine énumérés à l’article R. 6316-1 du CSP que sont : la téléconsultation, la télé-expertise, la télésurveillance médicale, la téléassistance médicale et la réponse médicale.

A ce jour, deux modèles d’activité de téléconsultation peuvent être mis en œuvre par des sociétés commerciales :

  • Les sociétés prestataires de système d’information qui proposent au professionnel l’usage d’un outil numérique n’incluant pas l’offre de soin. Dans ce cadre, l'activité consiste uniquement à mettre à disposition du professionnel de santé un outil numérique lui permettant de réaliser les actes de téléconsultation. Le professionnel de santé est seul responsable de la facturation à l’Assurance maladie ; la société n’interfère pas entre l’acte de médecine et la relation du professionnel de santé avec ses patients ;
  • Les sociétés qui proposent une offre de téléconsultation incluant l’offre de soins.

C’est pour combler le vide juridique de ce second modèle que la LFSS pour 2023 a proposé un cadre juridique ad-hoc à ces sociétés de télémédecine.

La mise en place dans l’offre de soins de cette mesure répond à un triple objectif : répondre aux besoins de soins, améliorer la qualité des pratiques et la prise en charge et enfin garantir l’équité et la cohérence de l’exercice en téléconsultation avec les autres modalités de prise en charge existantes. Ce statut est qualifié de « ad-hoc » en ce qu’il s’agit d’une ouverture progressive vers un statut juridique complet en raison du caractère inédit de ce type de modèle d’activité.

LA PRISE EN CHARGE DES ACTES DE TELECONSULTATION PAR L’ASSURANCE MALADIE

L’obtention d'un agrément

La LFSS pour 2023 est donc venue ajouter les sociétés de téléconsultation à la liste des professionnels et opérateurs de santé autorisés à facturer les soins à l’assurance maladie, fixée à l’article L.162-1-7 du Code de la sécurité sociale (CSS), leur conférant ainsi un véritable statut d’ « opérateur de santé ».

Afin de facturer les soins réalisés par les médecins salariés, ces sociétés de téléconsultation doivent, suivant les articles L. 4081-1 à L. 4081-4 du CSP obtenir un agrément des ministres de la santé et de la sécurité sociale. Pour ce faire, trois conditions cumulatives doivent être réunies :

  • La nature de la structure juridique : seules les sociétés commerciales régies par le code commerce (SARL, SA, SAS et SCA) et qui ont pour objet social, à titre exclusif ou non, l’offre de téléconsultation peuvent se faire agréer. En sont donc exclues, les SCP et SEL puisque les professionnels qui les composent sont par ailleurs déjà autorisés à facturer directement les actes de téléconsultation à l'assurance maladie ;
  • Conflit d’intérêt : les sociétés de téléconsultation ne doivent pas être sous le contrôle, au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce, d’une personne physique ou morale exerçant une activité de fournisseur, de distributeur ou de fabricant de médicaments, de dispositifs médicaux, ou de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, à l’exception des dispositifs permettant la réalisation d’un acte de téléconsultation ;
  • Les outils et services numériques de la société de téléconsultation doivent respecter les règles relatives à la protection des données personnelles (RGPD), ainsi que les référentiels d’interopérabilité, de sécurité et d’éthique élaborés par l’agence du numérique en santé (ANS) (article L. 1470-5 CSP).

L’obtention de cet agrément permettra une autorisation de facturation temporaire, dont la durée sera fixée par décret. Sur ce point l’étude d’impact du 25 septembre 2022 pour le PLFSS pour 2023, de même que les informations rendues publiques sur le projet de décret actuellement en cours de discussion entendent fixer ce délai à une durée initiale de 2 ans. Son renouvellement devrait quant à lui être valable 3 ans. A noter que le renouvellement l’agrément serait conditionné à une réévaluation de la conformité du cahier des charges de la société de téléconsultation.

Le respect des règles de prise en charge par l'assurance maladie fixées par la convention médicale

L’article L. 4081-4 du CSP prévoit, comme pour les professionnels de santé et les autres opérateurs de santé, que les sociétés de téléconsultation doivent respecter les « règles de prise en charge par l’assurance maladie fixées par la convention médicale ».

Le principe du respect du parcours de soins est donc applicable aux sociétés de téléconsultation (avenant n°6). Ainsi, seules sont prises en charge les téléconsultations réalisées dans le parcours de soins défini par la loi et la convention médicale. L’application de principe répond notamment aux inquiétudes adressées par la CNAM dans son rapport « mésusage de la télémédecine » dans lequel elle souligne les risques d’ « ubérisation » de la téléconsultation.

L’exception prévue par l’avenant n°6 selon lequel le respect du parcours de soins peut être mis de côté lorsque le patient ne dispose pas de médecin traitant peut toutefois être applicable sous certaines conditions fixées dans ce même avenant. Cette exception concerne les situations suivantes : le patient ne dispose pas de médecin traitant désigné, ou son médecin traitant n’est pas disponible dans le délai compatible avec son état de santé.

Attention, cet exercice de la télémédecine n’est toutefois pas illimité. En effet, l’avenant n°9 à la convention médicale prévoit que l’exercice de la télémédecine par un médecin conventionné ne peut dépasser plus de 20% de son volume d’activité globale conventionnée à distance sur une année civile. S’agissant des médecins non conventionnés (médecins hospitaliers, médecins salariés, etc) la part d’activité en télémédecine doit quant à elle rester minoritaire.

Afin de guider les sociétés de téléconsultation, une nouvelle mission a été confiée à la HAS pour établir un référentiel des bonnes pratiques professionnelles de la téléconsultation présentant des critères pour le renouvellement de l'agrément des sociétés de téléconsultation qui en font la demande et proposer des méthodes d'évaluation permettant le contrôle du respect du référentiel, déterminant pour son renouvellement.

LE REFERENTIEL DE BONNES PRATIQUES PROFESSIONNELLES DE LA TELECONSULTATION PUBLIE

L’article L. 161-37 2° du CSS a en effet chargé la HAS d’établir un référentiel de bonnes pratiques et méthodes d’évaluation applicables aux sociétés de téléconsultation.

Afin de remplir au mieux cette mission, la HAS a lancé, tardivement, une consultation publique du 25 octobre au 15 novembre 2023 afin de recueillir les avis et suggestions sur la version provisoire des organismes concernés par la téléconsultation réalisée par des médecins salariés de ces sociétés. Le référentiel a été publié le 22 décembre 2023 et est structuré en 3 chapitres :

  • Chapitre 1 – Organisation pour la mise en œuvre de la téléconsultation, la société de téléconsultation pourra s’appuyer sur ce chapitre pour réaliser son évaluation interne.
  • Chapitre 2 – Réalisation de la téléconsultation, chaque médecin utilisateur salarié de cette société pourra s’y référer concernant les bonnes pratiques à adopter.
  • Chapitre 3 – Système qualité de la téléconsultation, chaque usager client de cette société pourra y trouver la qualité attendue et le déroulé des téléconsultations.

A noter que les critères du référentiel ne couvrent pas l’ensemble des obligations légales ou conventionnelles auxquelles la société de téléconsultation doit se conformer. Ce référentiel vient s'ajouter aux exigences légales, réglementaires, déontologiques et conventionnelles en vigueur.

Une montée en charge "progressive" annoncée

D’après les informations rendues publiques, la mise en œuvre effective du statut ad hoc de ces sociétés de téléconsultation devrait être progressive et ne sera donc pas effective au 1er janvier 2024 ; le futur décret n’étant toujours pas paru à ce jour. Il devrait prévoir une interdiction de facturation au-delà des frais conventionnés de secteur 1 et une limitation pour les médecins salariés par une société de téléconsultation à 20% du volume d’activité globale conventionnée à distance sur une année civile. Étant donné que les sociétés de téléconsultation ne peuvent pas changer leur modèle économique du jour au lendemain, une période d’adaptation et de transition devrait être prévue afin que ces sociétés puissent s’adapter aux nouvelles exigences.

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